MGMT B/W ALISTER
4am. Mon bilan carbone new-yorkais est dégueulasse. Les chiffres parlent d'eux-mêmes :1 cigarette fumée = 6 étages de l'hôtel à descendre et à monter en ascenseur (profond bas à l‘intérieur, j’ai un cœur de légaliste) = 12 étages x le nombre de cigarettes fumées, soit 1/heure = 17 arbres de la forêt amazonienne + 1 écoute de "Congratulations" dernier album de MGMT toutes les 44 minutes (durée légale), et ce 127 fois depuis le départ de Roissy CDG = 22 espèces vivantes de la même forêt décimées.
5am. « Congratulations » est pourtant assez « earthfriendly » : pochette Cohn Bendito-compatible (ode cartoonée au surf), contenu moins électronique que son prédécesseur (pas de synthés qui font « bzz » dans la couche d‘ozone), effort de recyclage salutaire (toute la pop psyché californienne circa 67-68, mais avec la Midas Touch)… De bons français ces MGMT.
6 am. Insomnie. Jetlag. Blabla. Je dois rencontrer le duo pour le compte du « Magazine du Cerveau ». Les questions sont là. Le Whopper inachevé ici. CNN derrière. Le CD numéroté devant (impossible de vous le copier sinon je finis en survêt orange à Guantanamo). Des 9 nouveaux titres, « I found a whistle » remporte la paire de palmes, hybride entre « Rock’n’roll suicide » et « When i saw you » des Ronettes (c‘est en do les filles vous pouvez y aller…). Porte bien son nom d‘ailleurs, vu le défi au sifflet que constitue l‘œuvre. Insifflable, tellement les idées fusent… Mais insifflable aussi, parce qu’on a pas du tout envie de balancer des tomates. Même issues de l‘agriculture bio.
8am. Heureux qu’ils n’aient pas mis 7 ans à l’enregistrer. Heureux qu’ils aient choisi le contre-pied, seule véritable arme de destruction massive en ces temps de formats. Mais 127 écoutes, les mecs. QUAND MEME.
9am. Promenade. Le spectacle est grandiose. A chaque coin de block on lit « Déclin de la civilisation occidentale » : sur les déambulateurs, sur les promeneurs de chien, sur les moignons des vétérans, sur les visages des joggeuses lipposucées, sur les poitrines des obèses lipposuçables. La cour des miracles. Mes bottes de kazachok me disent de rentrer.
10am. C’est l’hôtel où a été tourné « Crime mystérieux des muqueuses à Manhattan » semble t-il. La ville qui ne dort jamais. Sans clim’. Penser à leur poser ce rapport à la complexité (le single « Flash Delirium« ferait passer « Bohemian Rhapsody« pour « Johnny B.Goode »). Ce Guinness Book du boneto rythmique et harmonique. Cette phobie de la répétition. De la mnémotechnique… Pas très yankee ? Si. Love, Zappa, Rundgren, Sparks, Tubes, Frank Black, Of Montreal… Cette lignée là. « Oracular » était le « Remain in Light » de son époque : la tête et les jambes. Mais là c’est autre chose… « Da Capo » ? Le bulbe et les doigts ?
12am. Formula Studios, 450 W, 15th Street. Shooting des hôtes. Je me rends compte que je ne les connais pas physiquement. 360°. Il n’y a certainement pas ici les deux Vendra Benhardt peinturlurés d’ »Oracular »… Ai dû me tromper de pièce.
13am : Non c’était bien là. « The Handshake ». Anglais cassé. A ma droite, Andrew VanWyngarden. Blond. Sourire jaggerien irrésistible. Passive/Seductive. Pensée lunatique mais brillante. A ma gauche, Ben Goldwasser. Brun. Lunettes. Regard perçant. Voix AK-47. Pensée rationnelle mais inspirée. Les deux font un beau QI. Awkwardité savante. Aucune trace de LSD dans les urines (cf « Siberian Breaks » magistrale pièce de résistance de l’album, 12 minutes bien trop maîtrisées pour être sous influence). Je pense à un Steely Dan version 2.0. Le côté monstre à deux têtes. Les compos kabbales.
2pm : Ne deviendront sans doute pas des indies qui s’automatisent pour le peuple. Pas de la chair à festival. Trop PC. Pas assez Mac. « Contre toute attente » (Phil Collins, février 1984). Leur réponse interdite à ma question sur leur rencontre avec Brian Eno est à elle seule la preuve qu’on a pas affaire à des moutons. Bâcher Brian Eno en 2010 ? Et si c’était ça « Etre rock’n’roll » comme dirait « Best » ?
4pm : Comment, de toute façon, aujourd’hui, changer les règles du jeu musical ? C’est une news du Boston Globe défilant sur l’écran TV d’un bar qui nous met sur la piste du système Bohlen-Pierce qui organise "une musique sans octave" nous annonce t-on. Tout le monde semble ravi par ce truc: les musiciens, les mathématiciens et les neurologues… Penser à aller écouter ça. Les deux Merlins adoreraient ça…
5pm : Le syndrome du « toujours difficile deuxième album » leur pendait au nez. C‘est raté, donc réussi. Commercialement… Les fans électro vont retourner aux Midnight Juggernauts. Les fans des Killers vont faire des malaises cortexiaux. D’autres vont se racheter « Exile On Main Street » en expanded version. On en reparle dans 10 ans… Comme disait Oscar Wilde (ou était-ce ma banquière ?) : « Y’en a qui cherchent et d’autres qui trouvent ».
11pm : On doit être 8 dans ce karaoké coréen de l‘avenue A. Il y a Sam, « l’homme qui s’emmerde le plus au monde », qui livre une version très Francis Heaulme d’ « Heartbreaker« de Led Zeppelin. Et puis il y a Jessee, ce héros, mi Jack Black/mi Lennie Small, dont l’interprétation truculente de « Let’s Dance » me fait monter les larmes aux yeux. Je tente un « Just Like Heave » un peu orgueilleux, certes. Et finit, en mode chill, par le « She’s always a woman » de Billy Joel pour accompagner une jeune blonde. Du pur piano pastrami. S’il y avait « Kids »… Mon Big Red a encore du goût.
Chute : Bilan carbone dégueulasse, donc. Bilan calorique idem. Je me barre. Dernier éclat de rire : le check point à Newark d’où émerge ce nouvel ordre mondial imparable : « Tout le monde en chaussettes ». Fair enough.
Introduction : Roissy 7am. Le taxi me cuisine sur les secrets d'alcôve de la République Française... Je me repoudre. Il insiste. Je lui demande si il connaît une seule ville au monde où l’on trouve « This Year’s model » de Costello dans un jukebox. Un ange gothamien passe. Je siffle « I found a whistle ». Enfin. La sélection continue. Welcome home, son.
Alister (article paru dans "Technikart", avril 2010)
Libellés : mgmt alister
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